samedi 28 février 2015

La Bruyère : des portraits qui ont du caractère…

Le Caractère que vous ne trouverez pas dans cette édition :
Bibliogandillès fait commerce de livres anciens. Il n'est point de ces fous qui s'étiolent face à l'écran d'une boutique virtuelle. Bibliogandillès, au contraire, raisonne bien. Il conjugue uniquement – c'est un choix - un blog bibliophile et marchand avec une librairie ancienne dans un lieu choisi avec pertinence. De son bureau, Bibliogandillès sourit en pensant à son ancienne activité. Les esprits chagrins lui avaient promis un avenir incertain et des insomnies fréquentes et il entend encore ses proches se lamenter pour eux-mêmes. Il n'ose aujourd'hui croiser le regard de ses amis compatissants et se borne à travailler sans relâche en remerciant le chaland magnanime qui lui offre "assez pour être heureux et trop peu pour être à l'aise".


La boutique de Bibliogandillès est ouverte sans rendez-vous au moins cinq jours par semaine. C'est un lieu convivial avec une âme. N'ai-je pas dit que certains clients prétextent la recherche d'un livre ancien simplement pour passer quelques minutes dans ce lieu reposant ? On vient y chercher les derniers potins ; on y épanche ses peines ; on parle surtout de livres, de leur rareté et de leur estimation…


Bibliogandillès possède de jolis ouvrages, des reliures remarquables et cite à l'envi des passages de littérature appris dans l'urgence. C'est qu'il n'est pas peu fier du choix qui l'a conduit à ce métier suranné ! Il aime les mots et s'approprie sans état d'âme les idées des autres car si le livre comble les uns et rend les autres furieux, il le sait aussi protecteur de l'humanité. Comme il ne saurait être un puits de science en tout, il se qualifie d'humble généraliste de crainte de décevoir les doctes spécialistes mais apprécie quand même qu'on lui dise le contraire. C'est ainsi ! Notre homme n'est pas devenu plus modeste en devenant libraire…


Ce n'est pas peu dire que Bibliogandillès a un caractère apaisant. Cela s'exprime dans son blog qui évite soigneusement toute prise de position tranchée et tout conflit inutile. On ne s'ennuie pas en le lisant mais il arrive qu'on s'assoupisse… Littérateur médiocre, il a publié quelques pièces qui lui ont valu ce classique succès d'estime qui blesse son auteur. Surtout n'allez pas complimenter notre libraire là-dessus si vous l'aimez ! Il sait ce qu'est le talent... chez les autres.


Rompant avec l'élitisme pédant des siècles derniers, Bibliogandillès aime à répondre à toutes les demandes et à se mettre à la portée des amateurs et des néophytes. Il est donc omniprésent sur la toile virtuelle de ce monde. Logique conséquence : Il se dit très occupé et avide de temps libre, comme si son absence allait modifier l'équilibre précaire du marché du livre ancien ! Bibliogandillès gagne honorablement sa vie. Ne cachant ni ses angoisses, ni sa passion, il peut avouer à ses visiteurs qu'ils peuvent trouver le même ouvrage moins cher ailleurs mais qu'en l'achetant chez lui, ils lui permettront de continuer son métier de libraire. Il est parfois, c'est pathétique, d'un idéalisme désarmant…


LA BRUYÈRE. Les Caractères de La Bruyère, précédés des Caractères de Théophraste, traduits du grec par le même... Publié d'après l'édition de Coste. Suivi de la Clef des Caractères et du Discours prononcé à l'Académie. 2 volumes in-12 (17/11cm).  Chez F. Vieusseux, Imprimeur-Libraire, Paris 1820. Reliures pleine basane racinée, dos lisses ornés, caissons fleuronnés, pièce de titre et de tomaison, roulette sur les coupes et les coiffes, tranches marbrées. 372 pages, et 348 pages. Ex praemio. Petits défauts d'usage. Bon exemplaire. 55 € + port

vendredi 27 février 2015

Panthéon des illustrations françaises au XIXème siècle. Que du beau monde !


Voici un excellent petit ouvrage (enfin, faut quand même ne pas exagérer, 40 cm sur 30 cm !) qui nous donne des biographies de personnalités ayant marqué le monde des arts, de la politique et des sciences au 19eme siècle mais dont le titre en lettres dorées nous éloigne de son contenu. Ce Panthéon des illustrations fait, semble t-il, plus référence aux dessinateurs et graveurs à qui on doit les remarquables lithographies qui ornent l'ouvrage qu'aux personnalités présentées.

 














L'absence de table des matières et de tomaison vous oblige à feuilleter ce recueil sans a priori. Tel écrivain côtoie tel homme politique sans que l'on sache très bien pourquoi. Mais c'est plaisant !  De magnifiques portraits tirés en lithographie sur Chine d'après les photographies de Pierson, Cayat, Nadar, Charpentier, Lafosse, expliquent que cet ouvrage fut souvent tronçonné par le passé mais pas par moi...

 














Il semble que l'œuvre complète soit présentée en plusieurs volumes (2 ou six selon les années d'édition). La liste des personnalités présentées dans l'ouvrage peut être envoyée par requête spéciale ou après recours à un huissier assermenté mais c'est quand même plus amusant de le découvrir tout seul… Pierre

 














FROND (sous la direction de Victor). Panthéon des illustrations françaises au XIXème siècle. Comprenant 1 portrait, 1 biographie et un autographe de chacun des hommes les plus marquants dans les arts, l'armée, les sciences, la politique, l'industrie. Paris, Pilon et Lemercier, sd (1868). Un volume in folio (40/30cm). Demi chagrin rouge, plats de percale estampée, titre en grandes lettes dorées, dos à nerfs orné de fleurons dorés, toutes tranches dorées. Quelques rousseurs et brunissement sur le texte mais pas sur les lithographies. Vendu

 

jeudi 26 février 2015

Trois hommes dans un bateau de Jerome K Jerome, illustrés par Dumoulin... et son chien.


Trois hommes dans un bateau : Jérôme, Harris et Georges sont trois amis hypocondriaques et flegmatiques de la City Londonienne. Persuadés d’avoir contracté toutes les affections possibles en plus de leur nonchalance, ils finissent par pointer du doigt le mal qui les ronge : le stress de la vie citadine.


N'écoutant que le courage qu'ils n'ont pas, ils décident de tenter une folle aventure : remonter la Tamise en barque ! Après s’être fixés un objectif précis, à savoir ne rien faire, les trois compagnons canotiers remontent le fleuve de sa Majesté, accompagnés de Montmorency, le fox-terrier de Jérôme, premier témoin des aventures de son ringard de maître. Un voyage ponctué d’eau froide et d’agressions nocturnes. 


Les voilà tour à tour cherchant la sortie du plus grand labyrinthe d’Europe. Chantant, pour égayer le paysage, des chansons allemandes que personne ne comprend. Ou encore s’exerçant au ragoût irlandais, pour le plus grand délice de leur palais. De l'aventure et du suspens pour ces trois amis imbuvables, non potables et totalement impropres à la consommation. Face à Dame Nature (impitoyable en Grande-Bretagne), nos trois amis vont devoir se serrer les coudes. Entre deux averses et deux tranches de rosbifs, le voyage sera pour eux un moyen de sceller leur amitié, et de trouver les vraies réponses à leurs questions existentielles : Si l’Homme n’avait pas été curieux, jamais on aurait découvert la saucisse de Francfort ? 


 
L’important dans ce formidable voyage à la rame n’est pas tant l’histoire que le caractère burlesque de ses personnages. Leur vision du monde originale et absurde va rendre leur épopée ridicule mais poétique. Une traversée mémorable sous les yeux effarés d’un chien, d’après l’un des textes fondateur de l’humour british d’aujourd’hui... 


Jerome K. Jerome, homme réputé pessimiste et triste par nature, développa un style humoristique bien à lui. Ses récits, presque toujours fondés sur ses propres expériences, écrits avec un humour souvent absurde, aimaient à pointer les incohérences du comportement humain et par là même de la société dans son ensemble… L’humour anglais est ici, plus que tout autre, la  politesse du désespoir, suivant l’élégante formule de Georges Duhamel… Pierre


JEROME (Jérôme K). Trois hommes dans un bateau. Illustrations de Romeo Dumoulin. Bruxelles, Éditions du Nord (« Les Gloires Littéraires n° 11 »), 1930. Un volume in-8. Broché, couverture illustrée rempliée. 254 pages, nombreuses illustrations en couleurs dans le texte et hors texte. Exemplaire sur velin pur fil Allura. Tres bel exemplaire. Vendu

mercredi 25 février 2015

Assemblée nationale comique par Lirieux et Cham : La Seconde République en images...

Les deux auteurs...
Avec le passage d’un suffrage restreint sous la monarchie constitutionnelle à un suffrage universel masculin à partir de 1848, la position du parlementaire sort  renforcée comme représentant de l’opinion publique nous dit Jean-Claude Caron, dans un excellent article qu'il consacre à la représentation de l'Assemblée dans les journaux de l'époque. Sur le registre de l’humour, L’Assemblée nationale comique, ouvrage du à la collaboration d’Auguste Lireux (1810-1870) pour les textes et de Amédée de Noé, dit Cham (1819-1879), pour les dessins exploite la veine de l’humour pour produire une galerie de portraits-charges de représentants de la nation.


A la caricature physique (sur le mode déjà illustré par Daumier) s’ajoute une satire des effets de manche, postures et autres procédés rhétoriques tenant lieu d’éloquence ! Les deux auteurs de L’Assemblée nationale comique appartiennent à l'école satirique de la presse républicaine. Lireux collabore d'ailleurs aussi à La Séance, journal fondé en 1848 pour rendre compte des débats de l’Assemblée nationale. L’une de ses cibles préférées –comme de Nadar – est Louis Napoléon Bonaparte. Lorsque ce dernier perpètre son coup d’état, Lireux sera arrêté et menacé d’être fusillé. Des interventions, dont celle de l’actrice Rachel et de ses relations de théâtre, lui épargneront de subir la condamnation à huit années de déportation prononcée à son encontre par l'Empire.


Celui qui tient le crayon, Cham, n’est pas le premier dessinateur avec lequel Lireux collabore. Il a auparavant rédigé, en compagnie de Théophile Gautier, Pierre-Jules Hetzel ou encore Léon Gozlan, des notices accompagnant les Œuvres choisies de Gavarni , alors considéré comme le grand dessinateur de son temps, plus peintre des mœurs que réellement satiriste, et se tenant à l’écart des engagements politiques, à la différence d’un Grandville (mort en 1847) ou d’un Daumier.


Le comte Amédée De Noé, dit Cham (1819-1879) est le fils d’un pair de France, mais, élève de l’École polytechnique, il abandonne la voie qui lui était tracée pour rejoindre les ateliers de Paul Delaroche, puis de Charlet. Il débute en 1843 au Charivari dont il tiendra pendant trente et un ans la revue de la semaine à partir de janvier. Son mode d’expression privilégié est la caricature outrancière, qu’on appelle la "charge". Ce procédé emploie des procédés classiques dont la déformation du physique est le plus utilisé : ainsi Thiers ou Louis Blanc, dont on ne distingue que les mains derrière la tribune, sont-ils "nanifiés", là où d’autres (Lamartine, Cavaignac) sont étirés, et d’autres encore arrondis. L’appendice nasal est largement utilisé, ainsi que des détails vestimentaires et capillaires ou des accessoires. Proudhon est caractérisé d’abord par ses lunettes, Marrast et Crémieux par leur chevelure. Le dessinateur saute rarement le pas du fantastique : il le fait toutefois dans le cas de Considérant, affublé d’un long appendice caudal terminé par un œil…


Si Cham fit du dessin politique au lendemain de la révolution de février, ses caricatures se limitèrent à la période de la Seconde République pour laquelle il ne manifesta aucune sympathie. La biographie et la bibliographie de Cham est cependant encore à explorer. S'il y a un spécialiste de Cham en France, aujourd'hui, il est ici (vous pouvez cliquer) !


L’éditeur Calmann Lévy eut l’idée de réunir en volumes les comptes rendus des séances de l’Assemblée rédigés par Lireux pour le Charivari, en demandant à Cham d’illustrer le texte. Les 627 pages in quarto de l’ouvrage sont donc ornées de vingt gravures à pleine page et de 157 vignettes de taille variable dont la dernière représente les deux auteurs. S'il est vrai qu'on a encore le droit de rire dans la maison de la République, il semblerait que l'on n'ait plus le droit de le faire dans la maison de la Presse... Vive le rire en France ! Pierre


LIREUX (Auguste).‎ Assemblée nationale comique. Illustré par Cham.‎ Paris, Michel Levy Frères, 1850. Un volume in-4 (27,5/20cm). Reliure demi-chagrin violine, dos à nerfs, caissons ornés d'encadrements dorés, toutes tranches dorées. Nombreuses vignettes gravées sur bois dans le texte (environ 150). Édition originale. (4)-625 pp. + 20 pl. gravées sur bois hors texte. Quelques rousseurs. Tranches gouttières. Très bel état général. 160 € + port

mardi 24 février 2015

Louis de Frotté et les insurrections normandes par Léon de la Sicotière. Plus qu'un exemplaire de travail…


Je vous ai présenté dernièrement des Mémoires des guerres de Vendée (on peut cliquer) par deux de ses intervenants. Voici maintenant le "pendant" normand de cette guerre civile… Là encore, elle a laissé des cicatrices qui ne sont pas encore complètement refermées. Tous les ans, des normands attachés à leur histoire et à leur patrimoine se réunissent pour déposer une gerbe et écouter l’évocation de la Chouannerie Normande, aux Trois Croix, là où fut assassiné l’Abbé Gouvetz, chanoine de la cathédrale d’Avranches.


Dès 1791, la Vendée et la Bretagne forment une zone de résistance. Les protestations s’intensifient en 1793 lorsque la Convention décide de lever 300 000 hommes pour les besoins de l’armée. L’insurrection éclate et laisse place à une guérilla dans laquelle les chouans (nom venant du cri de la chouette) combattent les partisans de la République et ses soldats : les Bleus.


La Chouannerie se met en place en Normandie en 1794. Ce sont d’abords des réactions ponctuelles de jeunes gens qui refusent de répondre aux levées d’hommes. Contraints de vivre cachés, ils agissent en brigands. A la fin de l’année, des bandes dirigées par un chef sont constituées et leurs actions s’amplifient. En 1795, avec le retour du comte Louis de Frotté qui avait émigré après la fuite du roi, ces troupes de Chouans sont véritablement structurées.


Il forme à 29 ans l’Armée Catholique et Royale de Normandie. Le territoire insurgé est réparti en divisions avec des légions. Sur la rive droite de la Seine, il existe une autre armée composée surtout de cadres nobles, confiée par l’Agence Royale de Paris à Malet de Crécy. La révolte se développe grâce à la complicité d’une partie de la population rurale qui protègent, ravitaillent et renseignent les Chouans. Ils se cachent dans des lieux favorables aux embuscades tels les bocages et les bois. Leurs actions armées vont des expéditions punitives contre des adeptes de la république aux attaques de communes et combats contre les Bleus.


Après une année de guerre, il reste impossible aux Chouans de contrôler la région. Un accord de pacification est signé le 6 juillet 1796. La première Chouannerie est terminée mais c’est le retour du brigandage comme en 1794. Parti en Angleterre, Frotté prépare la lutte qu’il veut reprendre. Il confie sur place le commandement au vicomte d’Oilliamson. Les actions des Chouans recommencent en 1798. Dans l’Eure, elles se durcissent en mai 1799 à tel point que l’on nomme le département "le tombeau des républicains". Frotté revient le 22 septembre 1799 et reprend la direction des opérations sous le nom de « Blondel ». La seconde Chouannerie commence. Le 3 novembre, les Chouans ne pouvant pas repousser les Bleus lors de la bataille de la Fosse, Frotté échoue dans son projet de grande offensive. Une trêve est signée le 17 décembre 1799. Elle est rompue par la légion des Chouans de Picot " le boucher des Bleus ", qui attaque les habitants du Sap, le 5 janvier 1800.


La Chouannerie est relancée mais la résistance républicaine s’intensifie avec l’arrivée de renforts. Frotté et six compagnons décident de se rendent à Alençon pour négocier une paix. Ils y sont arrêtés le 16 février 1800. Sans défenseurs ni témoins, la commission militaire les condamne à mort. Ils sont fusillés le 18 février. Ces normands ont défendu, avec plus de courage et d’honneur que de moyens, leur mode de vie et leur foi. Leur sacrifice est mémorable, tout comme le sens du devoir de leur illustre général : Louis de Frotté. Tel est le synopsis de l'ouvrage en trois tomes de Léon de la Sicotière que je propose aujourd'hui à la vente. Léon de La Sicotère, avocat à Alençon, membre de plusieurs sociétés savantes, inspecteur des monuments historiques de l'Orne, a participé à la rédaction de la plupart des recueils littéraires et scientifiques de la Normandie, à son époque. Pierre


LA SICOTIERE (Léon de). Louis de Frotté et les insurrections normandes. 1793-1832. Paris, Plon, 1889. Trois tomes en deux volumes in-8 (25/16,5cm). Reliure demi chagrin tabac, dos à nerfs, filets et roulettes dorées, titres et tomaison en lettres dorées, tranche supérieure mouchetée, gardes colorées. Deux portraits en frontispice, XXXI + 629 & 812 + 55 pages, 1 carte dépliante. Edition originale. Des rousseurs marginales. Très bel état général. L'ensemble : Vendu